Software jetable

Noël approche, avec chaque année la même préoccupation : quels cadeaux offrir ? Idéalement, ce qui fera le plus plaisir et qui ne va pas nous ruiner.
J’étais sur un forum en train de rechercher de l’information au sujet d’un lecteur MP3 lorsqu’un post a attiré mon attention : quelqu’un avec un problème sur une console de jeux demandait si le remplacement du composant fautif allongerait la durée de vie de sa console.
J’étais déjà surpris : j’ignorais même qu’on pouvait remplacer un composant sur une console. Si un condensateur de votre PC tombe en panne, vous changeait la carte-mère complète. Et le plus souvent, vous finissez par changer complètement de machine si celle-ci est un peu ancienne. Au-delà de 3 ans d’âge, il devient difficile de trouver des pièces de rechange, et de toutes façons, il est souvent plus intéressant financièrement d’acheter un modèle plus récent.
Pourtant, l’argument de l’auteur de ce post était logique : un composant neuf devrait normalement présenter une qualité supérieure á celle du composant d’origine, et donc améliorer la durée de vie de sa console. La réponse á son post était aussi amusante qu’implacable :

  • Nous sommes á l’ère du jetable. Si ton lecteur de DVD est en panne, tu le jettes parce que tu peux en trouver un autre á 25 euros.
  • Ce n’est pas cher parce que ce n’est pas de qualité. La majorité des gens ne veulent pas payer (cher) un produit de qualité.
  • La majorité des gens veulent du pas cher. Ils ont du pas cher jetable.

En conclusion, un composant plus récent est d’une moindre qualité que le composant d’origine, et donc la durée de vie du produit (de la console) est inférieure.

Encore un de ces paradoxes que j’affectionne : moins de qualité vend plus. Les américains ont compris les premiers que « un produit qui ne s’use pas est une tragédie pour les affaires ». Dans cette station de pompiers en Californie, une ampoule brûle depuis 110 ans. Par contre, la webcam qui la filme n’a pas duré plus de 3 ans. Dans les années 20, un cartel regroupant les principaux fabricants d’ampoules s’est réuni afin de limiter la durée de vie des ampoules, et pénalisait même les membres dont les produits dépassaient 1 500 heures de fonctionnement.
L’obsolescence programmée des produits soutient la demande des consommateurs.

Il en va de même dans l’industrie du software. Chaque vendeur de logiciel vous annonce une prochaine version pleine de nouvelles fonctionnalités plus superlatives l’une que l’autre. Et les fonctionnalités existantes sont toujours améliorées : plus performantes, plus précises, plus fonctionnelle, plus plus…

Et pourtant, je constate toujours la même réaction chez les clients : attendons que cette nouvelle version soit stabilisée. Laissons les autres essuyer les plâtres. Trop d’utilisateurs sont fatigués de jouer les debuggers pour des éditeurs logiciels qui veulent économiser des coûts de QA.
Mais là, on vous demandera innocemment quelle est votre version actuelle ? Ah, celle-ci ne sera bientôt plus supportée. Vous devriez prévoir de migrer prochainement. Et puis votre version actuelle ne fonctionnera pas avec le nouveau Windows. D’ailleurs votre Windows actuel ne sera bientôt plus supporté.

Bref, migration obligatoire. A quel coûts ? Une migration est un projet á part entière. Ce n’est pas comme simplement télécharger la nouvelle version de votre logiciel préféré de retouche de photos ou de cette utilitaire de capture d’images. Vous savez bien que lorsque SAP propose une nouvelle version, il ne suffit pas de l’installer et de continuer á travailler. C’est un projet qui représente plusieurs dizaines ou centaines de journées/hommes. Il en va de même lorsque vos DBAs prévoient d’installer une nouvelle version d’Oracle.

Comptez également avec l’indisponibilité de ces systèmes pour vos utilisateurs. Ajoutez y le coût de formation de vos équipes, voire de vos utilisateurs. Prévoyez également un coût hardware, car cette nouvelle version nécessite plus de ressources. Bien sûr, votre vendeur de software vous proposera toutes les compétences nécessaires pour mener á bien cette migration. Donc coûts de services additionnels pour vous et sources de revenus supplémentaires pour lui.

Nous vivons á l’heure actuelle une crise, non pas seulement économique qui restreint les budgets, mais également une crise logicielle, parce que celui-ci coûte cher á l’achat, á l’installation et á l’utilisation. Vous devez former des ressources que vous n’êtes pas certains de pouvoir conserver. Vous devez migrer régulièrement vers de nouvelles versions dont vous n’avez pas forcément besoin, ce qui signifie encore des coûts de service, de formation, de support, etc.
Et tout cela pour un résultat incertain : combien de logiciels terminent sur l’étagère ?

Je vois de plus en plus de clients se détourner de ce modèle. Ils demandent á un intégrateur d’acheter les licences et d’opérer le logiciel pour lui. Ils passeront par un appel d’offres afin d’obtenir le tout au meilleur prix et avec garantie sur les résultats. Ils externalisent les coûts et le risque sur un partenaire. Celui-ci devra certes supporter les inconvénients précédents, mais avec des charges inférieures.

D’abord, en tant que revendeur, les licences logicielles lui seront accordés á un tarif préférentiel. Il dispose de plusieurs compétences spécialisées sur cette solution donc est moins sensible au turnover de ses équipes. Il sera bien placé pour remporter d’autres appels d’offres chez ce client, et gagne également en image sur le marché, pour gagner de nouveaux clients. Il est généralement mieux á même de dialoguer avec le vendeur de logiciel, tant sur le point technique (support) que commercial. L’investissement en migration vers une nouvelle version est réparti sur l’ensemble de ses clients. Héberger la solution lui permet également de diviser ses coûts hardware et d’exploitation.

2010 et le 1er semestre 2011 montrent un ralentissement de la croissance des éditeurs ‘traditionnels’ tels que Microsoft, IBM, Oracle et SAP au profit de nouveaux venus tels que SalesForce ou VMware. De plus, la crise financière a bloqué les investissements dans les secteurs bancaires, des assurances et des télécoms, qui représentent le coeur de marché et la part la plus importante du chiffre d’affaires des vendeurs de logiciels. Sur la même période, on constate que 40% des entreprises ont déjà conduit un projet SaaS et 27% envisagent de le faire d’ici á 2012 (Source AFDEL – Baromètre 1er semestre 2011).

Les éditeurs logiciels ont programmé l’obsolescence de leurs produits avec des versions non supportées et donc jetables au bout de 2 ans, sans que leurs clients puissent bénéficier en contrepartie de coûts plus bas. Ceux-ci se tournent de plus en plus vers des solutions intégrées autour de services packagés par des partenaires de confiance et compétents.

Personne ne veut payer cher du software jetable. La qualité de service paye.

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